Expo Bernd et Hilla Becher

Publié le par céline cel

[ catégorie : art, expos ]


Bassin de la Ruhr, Allemagne 1963

Compte-rendu rapide, je n'ai pas grand chose à dire sur cette expo, ou plutôt pas grand chose à ajouter. Les oeuvres de Bernd et Hilla Becher, je les connais et apprécie depuis assez longtemps dans les livres pour ne pas avoir craint de mauvaise surprise en me rendant à Beaubourg. Une grande chance de visiter l'exposition à une heure et un jour de la semaine - ou peut-être était-ce l'avis de tempête ? - ou semble-t-il seulement une dizaine de personnes avait eu la même idée que nous. Des salles vides à l'accrochage régulier et aéré, thématique, un temps non compté pour les parcourir.

L'humain dans le format

      La bonne surprise est la relecture de ces images que je croyais bien connaître (je ne les connaissais qu'au format des reproductions sur papier) dans leurs tailles et dispositions souhaitées par les artistes : des formats moyens, généralement une disposition en assemblages de 3 x 4 photos, ou 4 x 5, quelques images uniques un peu plus grandes : celles qui auraient été écrasées par le côtoiement du nombre.

becher2
Haut-fourneaux, U.s.a, 1979-1983 (cliquez pour agrandir)

La dimension typologique (amenée par le rassemblement selon les critéres physiques communs) s'enrichit alors de la dimension de détail - on perçoit le moindre grain de rouille - et de la dimension humaine, que certains, selon des articles lus par-ci par-là - je ne sais plus où - prétendaient absente de ces images. 


Paysages industriels (haut-fourneaux), 1971

Me semble au contraire que dans le gigantisme et la protubérance des édifices, le petit humain, ses voitures alignées, son regard parfois interloqué ou indisposé par la présence des photographes et de leur attirail d'escabeaux et de trépieds, ou son absence de regard lorsque pris par son activité dans l'usine, deviennent marqueurs forts d'une présence, pour dire mal et vite, celle du ponctuel dans le protubérant monumental, et du protubérant pour le ponctuel. Aucun effacement de l'un par l'autre, un croisement vivant de participations.
Par ailleurs ces tuyaux intestinaux, ces systèmes vivant par l'action et la création de l'homme, ces robots sont par l'oeil qui se remet alors enfantin, sujets pour l'animisme. 


Four de l'usine Heinrich Robert, bassin de la Ruhr, 1979-1987

J'ai dit vivant, intestinal, il n'est sans doute pas nécessaire de détailler plus. Ces structures, même celles qu'on voit dévastées ou abandonnées, sont animées, animables - si devenues carcasses, on ressent dans la construction-même le grouillement passé, un potentiel de grouillement. Structurelle, l'idée de l'organique. Je me répète, d'autant plus que j'ai déjà évoqué l'animisme de l'architecture ici.

L'esthétique et la trace

      La dominante grise des tirages, la densité des gris, fait ressortir les matériaux et leur usure, leurs différences également. Dans la vidéo à l'entrée de la première salle, Hilla Becher affirme (entre autres intérêts premiers) l'attrait pour ces usines comme étant à l'origine un attrait "esthétique" - elle l'évoque par un trajet effectué régulièrement en train le long de ces batiments, et son étonnement de "campagnarde" face à la richesse formelle des édifices, un étonnement que l'on sent proche de la fascination -, face à leurs qualités de Sculptures anonymes.
Il ne faut pas oublier que ces typologies, chevalements, fours à chaux, haut-fourneaux, chateaux d'eau (et leurs sous catégories non nommées) ne sont pas qu'une affaire de traces à conserver d'une architecture de l'utilité, qui par sa fonction même est appelée à disparaitre dès lors que sa capacité à rendre le service dû lui fait défaut. L'idée des classements, elle s'est imposée aux Becher face au nombre important et croissant des clichés réalisés, assez précocement et comme indispensable rangement, elle s'est imposée aussi face à la reconnaissance de types communs sur des photos prises dans différents lieux, en des pays différents.
La typologie donc, si elle est devenue une part dominante de leur travail, était secondaire à l'attrait pour l'objet (qu'on sent présent dès le départ chez Hilla) et celui pour la trace - en tant que d'abord mémoire familliale chez Bernd (dont les aïeux ont tous été ouvriers dans ce types de lieux) - puis enfin mémoire à conserver : quand la conscience fut prise que ces édifices, de par leur fonction même et leur place jouée dans la croissance industrielle, disparaitraient rapidement. Des fascinés archivistes (j'arrête là ou je vais me mettre à parler d'Opalka) à voir avant que ça ferme, et ça ferme le 3 janvier.

Quelques liens :

article sur Paris Art
sur le bloc du Désordre (à la date du 22 novembre 2004)
présentattion du Centre Pompidou

PS : J'étais surprise de l'efficacité de la mémoire visuelle : dans ces ensembles de semblables, chateaux d'eau ou autres, je reconnaissais immédiatement la ou les images déjà vues en reproduction. Le classement, en la faisant poindre, fait aussi mémoriser la différence - qu'on aille pas prétendre que bon, c'est bien joli ces usines, mais quand on en a vu une on en a vu douze.


  Les précédents compte-rendus d'expositions  
  sont archivées derrière
 ce lien  

Publié dans Art - expos

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
C
oui, bonne idée (sauf que la médiathèque de Rouen n'ouvrira ses portes qu'en 2008 et qu'on ne sait pas, jusque là, où sont passées les collections qui sont en inventaire de la bibliothèque principale qui est en travaux, il font bien les choses, ici...). On ne sait jamais, je peux peut-être lancer un appel à qui (qui ?) aura enregistré méticuleusement toute la série...Ps : j'aime beaucoup ta dernière note+photo
Répondre
M
J'avais loupé une grande partie des épisode de cette série lors de sa diffusion, mais j'ai pu effectué une séance de rattrapage grace à la médiathèque de ma ville qui en a une grand partie en stcok : peut-être que dans ta ville...
Répondre
C
je constate que j'ai raté cette série d'émissions, dommage... La présentation met aussi bien en avant cet attrait d'ordre esthétique pour les bâtiments dont visiblement peu d'articles ont parlé. Merci pour ce lien :)
Répondre
M
D'un point de vue technique (cela m'y a fait penser quand tu parles des détails visibles dans cette exposition), le numéro de "Contact" l'émission d'Arte consacrée au travail de Bernd et Hilla Becher est un complément -certes un peu "court" mais c'est la règle du jeu - interressant puisqu'il met en valeur les choix du couple de photographes. Un lien : http://www.arte-tv.com/fr/art-musique/Contacts/361926.html
Répondre